lundi 31 janvier 2011

Pour la fête de saint Paul

Fête de la conversion de Saint Paul
30 janvier 2011

Il arrive que les grands fassent peur aux petits. Ou que les petits, spontanément, aient peur des grands.
C’est ce qui peut arriver entre saint Paul…et nous.
Il est si grand, ce Paul de Tarse, ce géant de l’apostolat, quand on considère son parcours de vie, de sa conversion sur le chemin de Damas jusqu’à son martyre à Rome, et toutes ces communautés chrétiennes qu’il a fondées, presque en passant.
Il est si impressionnant, quand on lit et relit ses lettres –si riches et parfois si difficiles- qui constituent encore un trésor de référence pour tous les chrétiens.
Et on se sent si petit à ses côtés, qu’on en ferait un complexe. Ne sommes-nous pas timides dans l’évangélisation, tièdes dans notre vie spirituelle et parfois des chrétiens un peu déprimés dans le contexte de notre société ?
Grand, immense saint Paul, le patron de votre communauté et de votre église ! Mais de quelle grandeur s’agit-il chez lui ? Elle a essentiellement deux dimensions.

D’abord une profondeur. C’est sa communion avec le Christ vivant.
Depuis le coup de foudre de Damas, la vie de ce juif zélé s’est trouvée complètement suspendue à celle de Jésus ressuscité. Mieux encore. Paul s’est immergé dans le Christ au point de pouvoir écrire : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi ».
Dès lors tout ce que fut Paul, tout ce qu’il a fait aussi, s’expliquent par cette relation ou plutôt cette communion, comme une eucharistie continuelle en lui. Tel était le secret de son exceptionnelle destinée.

Et puis l’autre dimension : l’extraordinaire largeur de cœur, de vue, d’action, exactement dans la ligne de l’évangile de cette fête : « Allez par le monde entier, proclamez l’Evangile à toute la création. » C’est ça, la révolution de Paul, son dynamisme ouvert à l’universel.
Ce n’est pas un hasard si votre communauté, dans ce quartier du Schoenberg, est placée sous le patronage de saint Paul. L’universel –je dirais même l’univers- est là, qui constitue le tissu vivant de votre population. Etre chrétien, comme saint Paul, dans ce contexte, c’est travailler intensément à une fraternité humaine et donc chrétienne qui renverse les barrières, abolisse les frontières et mise résolument sur une humanité réconciliée. D’ailleurs l’Eglise –et singulièrement la nôtre—n’est-elle pas catholique, universelle ? Une Eglise qui n’exclue pas, mais donne la main aux exclus : telle est l’Eglise de l’Evangile. A nous de démontrer que nous sommes à la hauteur de cette magnifique vocation…paulinienne !

Reste la profondeur, l’enracinement dans la communion au Christ. C’est le rôle d’une communauté chrétienne d’en donner un exemple joyeux, attractif, contagieux. La présence de plusieurs communautés religieuses sur votre quartier doit y contribuer. Elles sont des lieux-sources, des puits de lumière.
Petit troupeau au milieu d’un grand quartier multinational et multireligieux, il vous appartient de garder la flamme de la foi, d’annoncer hardiment la Parole, de vous nourrir à la table de l’eucharistie, de témoigner par un chaleureux amour.
C’est tout le bonheur -j’ai bien dit « le bonheur »- que je vous souhaite.
Claude Ducarroz

mercredi 26 janvier 2011

Deux poumons un seul coeur

Fleur de vie

Deux poumons, un seul cœur

Retour d’une visite fraternelle dans une chapelle orthodoxe. La liturgie fut belle, mais très longue. Et puis il y avait beaucoup d’autres différences : profusion de signes de croix, répétitions de gestes et de prières, abondance de chants etc… Une toute autre culture religieuse. Je retiens surtout la ferveur, la patience, le respect de ces croyants.
Et je me suis souvenu de Jean-Paul II qui évoqua souvent les deux poumons de l’Eglise en souhaitant leur pleine respiration symétrique, mais originale.
Entre l’Orient et l’Occident, ce sont d’abord les dissemblances liturgiques qui frappent. Voilà qui explique, en partie, pourquoi nous nous sentons encore étrangers les uns aux autres, par l’étrangeté de nos manières de célébrer. Nous devrions nous fréquenter davantage pour mieux nous connaître, nous respecter dans nos variétés et nous apprécier dans des richesses spirituelles et symboliques qui doivent se compléter au lieu de s’exclure.
Finalement, pour ces deux poumons qui peinent encore à respirer en harmonie, n’y a-t-il pas un seul cœur ? N’est-ce pas un Christ commun qui inspire nos confessions de foi, qui bat au secret de nos eucharisties, qui anime nos communautés quand elles vivent de l’amour et s’ouvrent sur les autres ?
Les Eglises d’Orient et d’Occident ! Pourquoi encore si loin alors que nous sommes si proches ? Laisser l’Esprit gonfler différemment les deux poumons du christianisme et surtout nous mettre ensemble au diapason du même cœur, au rythme du même pouls : le Seigneur ressuscité qui a prié pour l’unité de tous ses frères.
1599 signes Claude Ducarroz

mercredi 19 janvier 2011

Tête, pas mère!

Fleur de vie

Tête mais pas mère !

Devant la magnifique façade de la basilique de Saint-Jean de Latran à Rome. Elle fut construite en 1735 par l’architecte Alessandro Galilei. Cette cathédrale de l’évêque de Rome est heureusement couronnée par une galerie de statues dominées par la figure du Christ tenant sa croix et bénissant la ville et le monde.
Je remarque cependant deux fois une même inscription au pied des colonnes. L’Eglise de Rome serait « la tête et la mère de toutes les Eglises ». Ah ! bon. D’accord pour la tête puisque le pape est le chef du collège des évêques et par conséquent « le président mondial » qui veille sur l’intégrité de la foi et la communion fraternelle de toutes les Eglises. C’est ce que nous croyons en reconnaissant en sa personne une part utile -et même nécessaire- du ministère de Pierre aujourd’hui encore.
Mais la mère ? Je me permets d’objecter. La mère de toutes les Eglises, c’est l’Eglise de Jérusalem, celle qui est née le jour de Pentecôte dans le souffle de l’Esprit, autour de Pierre et des autres apôtres, « avec Marie, mère de Jésus, et avec ses frères » (Cf. Actes 1,13-14).
A vouloir trop en dire, on finit par en rajouter, jusqu’à une prétention qui frise l’erreur. Pas grave, me direz-vous. Sauf pour l’œcuménisme. Le pape Jean-Paul II priait avec beaucoup d’humilité afin que l’Esprit-Saint éclaire toutes les Eglises pour chercher et trouver ensemble comment « son ministère pourrait réaliser un service d’amour reconnu par les uns et par les autres. »
C’est évidemment une toute autre perspective. Encore à mettre en pratique cependant.
Ne désespérons pas !

1609 signes Claude Ducarroz

jeudi 13 janvier 2011

Effets de miroirs

Fleur de vie

Miroirs

J’avoue avoir éprouvé une réelle crainte. Je devais sortir avec ma voiture d’un chemin escarpé, sans visibilité, qui débouchait sur une route très fréquentée. Comment éviter une collision toujours possible ? Et puis tout à coup j’ai remarqué en face, de l’autre côté de la chaussée, deux miroirs bien inclinés qui me permettaient, sans voir en direct la route en question, d’observer les allées et venues des véhicules plus ou moins rapprochés. Soulagement. Je pouvais m’engager presque à l’aveugle, mais en toute sécurité. Merci les miroirs !
J’ai pensé au rôle des chrétiens dans notre monde. Sauf exceptions très rares, personne ne peut contempler, directement en face, le visage du Christ, ni ressentir de manière évidente sa présence parmi nous. Quels seront les miroirs humains qui signaleront son actualité sur les routes sinueuses de nos vies ? Qui, sinon les chrétiens, celles et ceux qui, imparfaitement sans doute, transmettent son message et rayonnent son action partout où ils partagent le destin de leurs frères et sœurs en pèlerinage d’humanité. Etre des miroirs d’Evangile « en paroles et en actes », ce n’est pas s’estimer supérieur aux autres. C’est tout simplement –et même humblement- laisser l’Esprit du Seigneur écrire le poème de la Bonne Nouvelle dans nos coeurs. Alors, aux carrefours de son existence la plus banale, quelqu’un pourra peut-être repérer combien il est aimé par l’Amour, et s’élancer courageusement sur la chaussée de sa vie, si encombrée qu’elle soit parfois.
Rien qu’un miroir. C’est peu de chose. Mais ça peut être vital. Oui, ça donne de la vie. La vie.
1615 signes Claude Ducarroz

dimanche 9 janvier 2011

La foi à tout prix?

L’évangile à tout prix ?

Avec la nouvelle évangélisation, que relance le pape Benoît XVI en créant au Vatican un dicastère qui s’en chargera, voici que fleurissent un peu partout des méthodes inédites, voire déconcertantes, pour annoncer la Bonne Nouvelle à notre monde. Puisque les anciennes formules ne marchent plus –il suffit de voir nos églises presque vides-, pourquoi ne pas utiliser des recettes résolument modernes, par exemple celles qu’offrent les multiples médias actuels, notamment pour atteindre les jeunes ? En Amérique d’abord, mais aussi chez nous, on constate avec admiration ou scepticisme les activités d’évangélistes qui n’hésitent pas à se servir des techniques du showbiz ou du starsystème pour proclamer l’évangile et conduire à la foi.

Pourquoi pas ?

Jésus lui-même n’a-t-il pas utilisé les méthodes trouvées dans la culture de son temps pour annoncer le Royaume de Dieu ? Les paraboles imagées, les messages aux foules, les gestes spectaculaires n’ont-ils pas ponctué sa vie de prédicateur itinérant ? Son autorité ne provenait-elle pas de sa capacité à rejoindre les gens dans leurs besoins concrets avec des moyens adaptés à leur contexte de vie ? Et l’apôtre Paul n’a-t-il pas poussé l’audace évangélisatrice jusqu’à se mesurer avec les intellectuels de son temps sur l’aréopage d’Athènes ? (Cf. Ac 17).
Oui, mais…
Jésus lui-même a éprouvé les limites de sa prédication publique en constatant les attentes ambiguës suscitées par ses faits et gestes. Quand il recommande la discrétion autour de son activité, c’est pour éviter les malentendus sur son action et les erreurs sur sa personne. Depuis ses tentations au désert (Cf. Mt 4,1-11), il avait appris à se méfier du merveilleux qui foudroie, même pour la bonne cause. Et l’apôtre Paul, qui se vantait d’aller très loin « pourvu que le Christ soit annoncé » a fini par comprendre qu’il lui fallait se concentrer sur le mystère de Jésus le Christ, « scandale pour les juifs et folie pour les païens » (ICo 1,23).

Quelle évangélisation ?

Aujourd’hui comme hier, l’évangélisation est une équation complexe à quatre dimensions.
Il y a d’abord le message. Il nous vient d’ailleurs, on n’a pas à le réinventer, même s’il faut toujours le réinterpréter. Paul, le grand journaliste de l’évangile, écrivait aux Corinthiens : « Je n’ai rien voulu savoir parmi vous sinon Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié. » (ICo 2,2). Quoi qu’on fasse, il ne faudrait pas croire qu’on puisse faire mieux !
Et puis il y a l’émetteur, à savoir celui ou celle qui annonce la Parole. On sait combien, dans notre société hypercritique, la crédibilité du locuteur est essentielle à l’heureuse réception du message. « Tu causes, tu causes, mais tu ne causes rien », nous disent à juste titre les sceptiques qui nous voient dire sans faire, lorsque nous prêchons comme des perroquets et non pas comme des témoins cohérents avec ce qu’ils racontent. Qu’est-ce qu’un bon évangélisateur, avec ou sans beemer ? Il suffit de relire le chapitre 2 de la première épître aux Thessaloniciens pour le savoir.
A l’autre bout de la proposition de la foi, il y a évidemment le récepteur, celui qui cherche, s’intéresse, écoute et, dans le meilleur des cas, accueille la parole évangélique. Qu’elle lui parvienne par des moyens qui le touchent dans sa culture et sa sensibilité, tant mieux ! Il n’y a pas à se méfier par principe de ceux que notre société met à notre disposition pour communiquer, dans la variété des civilisations actuelles. Avec ou sans la panoplie des astuces modernes issues du monde de la publicité de masse, personne cependant ne pourra éviter à cet auditeur curieux ou séduit le fameux pas difficile de la foi. A un moment ou un autre, c’est dans le cœur de cet humain et dans son insondable mystère que se nouera –ou pas- la rencontre décisive avec le Christ, que personne ne peut maîtriser, même pas les champions de la nouvelle évangélisation par spots, haut-parleurs, vidéos ou internet. Le concile Vatican II nous rappelle opportunément le rôle irremplaçable de la conscience personnelle, « le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre. » (Gaudium et spes no 16).

Les moyens

On comprend alors que, si beaucoup de moyens modernes -la quatrième dimension- peuvent servir opportunément l’évangélisation, tous ne sont pas conformes au message dont il s’agit. Quand il y va de la rencontre avec Dieu et son envoyé Jésus Christ, cette fin ne justifie pas tous les moyens. Ceux-ci doivent consonner avec le respect de la conscience personnelle, avec l’appel à une vraie liberté, avec l’estime pour le cheminement intérieur des personnes, toutes conditions indispensables à une authentique évangélisation en profondeur. Tout ce qui ressortirait du conditionnement collectif infaillible, de la pression psychologique, de la séduction émotive ou de l’envoûtement religieux n’est pas digne de Celui qui n’a cessé d’inviter sans jamais contraindre, au point de réprimander sévèrement les ultra-zélés qui souhaitaient se servir du feu du ciel pour accélérer la conversion (Cf. Lc 9,55).

Le cinquième acteur

Car finalement, c’est le cinquième acteur sur la route de l’évangélisation qui a le dernier mot, le plus important : l’Esprit-Saint. Au-delà de toutes les méthodes, fussent les plus efficaces, et souvent en les contournant par une action intérieure invisible, c’est l’Esprit qui travaille au cœur de tout homme de bonne volonté, c’est lui seul qui parvient à lui ouvrir les portes de la révélation, dans un mystérieux processus d’engendrement –parfois subit, souvent très lent- qui aboutit à l’émerveillement de la foi.
« Heureux ceux qui voient ce que vous voyez », dit Jésus à ses disciples euphoriques sous l’effet d’une évangélisation réussie. Mais il avait ajouté auparavant : « Réjouissez-vous plutôt de ce que vos noms sont inscrits dans les cieux…Et nul ne sait qui est le Père sinon le Fils et celui à qui le Fils veut bien le révéler ». (Cf. Lc 10, 21-24). Dont acte !

Claude Ducarroz
6011 signes

Cet article a paru dans le numéro de janvier 2011 de la revue CHOISIR

samedi 8 janvier 2011

Plaidoyer pour l'oecuménisme

Panorama de l’œcuménisme aujourd’hui

Dans mes contacts en pastorale, je constate qu’il y a, au risque de schématiser, quatre attitudes fondamentales face à l’œcuménisme, à savoir tous ces efforts pour rassembler dans l’unité tous les chrétiens comme le Christ le veut, selon sa prière au Père la veille de sa mort : « Père, que tous soient un en nous afin que le monde croie que tu m’as envoyé. » (Jn 17,21)

1. L’œcuménisme, ça n’existe pas, ou plutôt ça ne devrait pas exister. Dans toutes les Eglises, il y a des courants « intégristes » qui refusent l’œcuménisme. Car, à leurs yeux, le mouvement œcuménique est une infidélité, voire une trahison. Toute la vérité appartient à une seule Eglise –la nôtre évidemment- et les autres n’ont qu’à la rejoindre pour être pleinement dans la volonté de Dieu sur son peuple. Ces gens-là sont des ennemis de l’œcuménisme, et ils le font savoir.

2. Une deuxième catégorie pourrait se placer sous le slogan : « L’œcuménisme oui, mais on n’y arrivera jamais. » Ce sont les déçus, voire les découragés de l’œcuménisme. Ils sont démobilisés. Après y avoir cru, ils en sont bien revenus, devant les lenteurs ou même les reculs de la dynamique œcuménique. Plus ou moins résignés, ils n’attendent plus rien sur ce point. Avec évidemment quelque accusation visant les autres. C’est la faute à l’impérialisme catholique, au conservatisme orthodoxe ou à l’anarchie protestante. Conclusion : restons là où nous sommes, sans chercher à nous rapprocher davantage. Essayé, pas pu !

3. Une troisième catégorie rassemble les oecuménistes optimistes et même satisfaits. Ils estiment que l’œcuménisme a fait bien des progrès, que les chrétiens s’aiment davantage, que les Eglises se respectent dans leurs diversités et collaborent dans la société. Que demander de plus ? Ce plus petit dénominateur commun leur convient bien. Contentons-nous de cela. Vouloir davantage risque de remettre en question un acquis suffisant. Vive l’âge post-oecuménique !

4. Enfin il y a celles et ceux qui, tout en bénissant le Ciel pour le chemin de rapprochement parcouru, estiment qu’il y a encore du grain à moudre avant de réaliser vraiment l’unité telle que le Christ la veut, à savoir à l’image de l’unité trinitaire, dans une diversité assumée et reconnue. Ceux-là se mettent à la tâche, tantôt dans le champ biblique et théologique, tantôt dans les relations intercommunautaires à la base, tantôt dans le témoignage commun au cœur du monde. Ils se disent en somme : « L’œcuménisme est un vaste et beau chantier. Il y a encore du boulot, et on y travaille ! »

Pas besoin de faire un dessin : je me situe dans la quatrième catégorie. Avec ardeur à la tâche et une grande espérance.

Le Groupe des Dombes

De tout évidence, le Groupe des Dombes se situe dans cette dernière catégorie. Depuis sa fondation en 1937 par l’abbé Paul Couturier, les théologiens protestants et catholiques de ce gremium non officiel s’attellent à déblayer le terrain doctrinal pour parvenir, si possible, à des déclarations communes sur des sujets brûlants. Ils le font dans un climat de prière favorisée par le cadre monastique dans lequel ils travaillent. Patiemment et parfois laborieusement, ils essaient de trouver le plus vaste accord de base qui permette d’enlever des obstacles et même de construire des ponts sur la route de l’unité à retrouver. Ils ont conscience qu’il ne s’agit là que d’une dimension du vaste programme œcuménique. Mais ils sont persuadés que ce chemin passe aussi par des réconciliations doctrinales, sans préjuger des autres volets du labeur de communion qui inclut la prière, la charité, le service du prochain et même des accords officiels entre autorités reconnues de nos Eglises.

Par une déclaration intitulée « Pour la conversion des Eglises » (1991), le Groupe des Dombes s’est donné une feuille de route qu’il estime fructueuse pour aborder tous les sujets de controverse provoquant encore des divergences séparatrices entre les Eglises. Le maître mot est un concept biblique, que le Groupe veut appliquer au contexte œcuménique : la conversion, avec sa dimension chrétienne fondamentale, selon l’évangile (Cf. Mc1,15), mais aussi avec sa dimension ecclésiale, qui touche toutes nos Eglises, et même une dimension confessionnelle dans la mesure où nos Eglises se sont figées en confessions antagonistes.

On peut le faire comprendre ainsi :
Toutes les Eglises ont besoin de passer par des démarches de conversion au niveau des doctrines, des institutions, des traditions et des pratiques.
Ces démarches ne peuvent aboutir que dans un climat de prière pénitentielle, d’humilité non humiliante et de réconciliation inter-ecclésiale. C’est l’Esprit-Saint qui seul peut reconstituer le puzzle évangélique entre nous, sous le regard de notre Dieu, dans la lumière de sa Parole.
Nous avons tous à donner et à recevoir
Dans nos corbeilles respectives, nous avons tous à la fois :
 Des charismes et des dons spécifiques pour lesquels nous rendons grâce
 Des déviations et des infidélités dont nous devons être prêts à nous laisser défaire, pour notre libération et pour le service de tous
 Des questions comme un service fraternel aux autres Eglises afin qu’elles puissent les aider à devenir plus évangéliques.
Concrètement

Et si chaque Eglise, devant Dieu et devant les autres Eglises, dressait dans la vérité et l’humilité la liste :
 De ses charismes inaliénables qu’elle estime devoir offrir aux autres comme un humble cadeau
 De ses points faibles et de ses péchés pour lesquels elle se déclare prête à la conversion et à la réforme
 De ses interpellations pour les autres afin qu’elles grandissent dans la lucidité et la volonté de conversion ?
J’ajoute trois principes qui ne doivent jamais être oubliés :
 L’œcuménisme n’est pas un statu quo de type fédératif, ou une pure tolérance libérale, mais un mouvement qui veut rejoindre le projet de Jésus sur son Eglise, à savoir le témoignage cohérent d’une communauté une et unie, mais aussi diverse et plurielle, non sur le modèle humain, mais selon le rêve de Jésus, notre commun Pasteur.
 Les charismes propres des Eglises sont souvent aussi le lieu de leurs infidélités par rapport à l’Evangile, qui les empêchent d’être compris et accueillis par les autres ; même ce que nous avons de meilleur doit passer par la conversion pour être partageable et enrichissant pour tous.
 Tant qu’une Eglise estime grave telle question, il faut que toutes les autres la prennent au sérieux, car c’est le signe qu’un enjeu important est situé à cet endroit ; dès lors aucun problème ne peut échapper à priori au dialogue, à la remise en question et donc à la réforme.

Epreuves et preuves réussies

De tels principes, je le crois, ont inspiré avec fruit deux thèmes abordés par le Groupe des Dombes, et ce fut avec un succès reconnu. Des thèmes théologiques pas faciles.

Le premier apparaît dans le livre « Marie dans le dessein de Dieu et la communion des saints ». (1999) Cette étude culmine dans cette déclaration étonnante et surtout réconfortante : « Compte tenu des propositions de conversion qui clôturent notre parcours, nous ne considérons plus comme séparatrices les divergences relevées. (…) Notre travail a montré que rien en Marie ne permet de faire d’elle le symbole de ce qui nous sépare. »

Le deuxième terrain d’investigation tourne autour de l’autorité dans l’Eglise. Il s’exprime dans l’ouvrage « Un seul maître »– l’autorité doctrinale dans l’Eglise » (2005), qui fournit un grand pas en avant dans ce domaine délicat, si l’on articule correctement les dimensions communautaires, collégiales et personnelles de l’autorité en Eglise.

Il faut certes aller encore plus loin. Je le vois dans la proposition suivante : A quand un vaste concile universel qui remettrait tout sur la table, comme on étale un puzzle déjà en voie de reconstitution, en ayant soin d’apporter toutes les pièces manquantes, chaque Eglise essayant d’ajuster les siennes aux autres pour que le visage du Christ resplendisse à nouveau dans le monde par le rayonnement de l’Eglise des Eglises ?

Prions pour que Dieu nous donne la grâce de passer de ce rêve à la réalité.

Janvier 2011 Claude Ducarroz

mercredi 5 janvier 2011

Réveil précoce

Fleur de vie

Réveil précoce

Il est 4h.30. Je m’éveille en sursaut. Ou plutôt on m’a réveillé. Le camion de la voirie a passé sous mes fenêtres en faisant un boucan du tonnerre. Le mastodonte a déblayé la neige et salé la chaussée. J’essaie de me rendormir. Et voilà qu’une ambulance en rajoute une couche, toute sirène hurlante. Sans doute une urgence médicale ou un grave accident.
Il est trop tard pour repartir dans le sommeil. Je réfléchis. Tout à l’heure, je vais trouver mon journal préféré qu’une porteuse du petit matin aura glissé dans ma boîte aux lettres. A quelle heure se sera levé le boulanger qui me permet de déguster du pain frais pour mon petit déjeuner ?
Oui, pour que je vive au mieux ma journée, combien de personnes auront travaillé durant la nuit ? Il faudrait ajouter ce qui se passe dans les homes et les hôpitaux. Ou tout simplement les parents –surtout les mamans- qui se lèvent a toute heure pour soigner ou consoler leur enfant qui pleure.
Rien de nouveau sous le soleil, ou plutôt sous la lune. Nous manquons trop souvent d’estime et de reconnaissance à l’égard de celles et ceux qui nous procurent notre bien-être en accomplissant un pénible devoir dans la discrétion, voire l’anonymat. On pourrait profiter du temps des cadeaux pour faire signe à ces personnes qui travaillent pour nous pendant que nous dormons. Même si parfois elles nous réveillent un peu tôt.
Ah ! j’allais les oublier. Il y a partout dans le monde des lève-tôt qui nous portent dans leur prière au cœur de la nuit. Avez-vous pensé à remercier les moines et moniales, ces travailleurs mystiques de la nuit ?
1605 signes Claude Ducarroz

lundi 3 janvier 2011

Homélie pour l'Epiphanie 2011

Homélie pour la fête de l’Epiphanie 2011


Bling ! Bling !
A lire de manière superficielle le récit de l’Epiphanie dans l’évangile de Matthieu, on aurait envie de l’envoyer aux journaux « 20 minutes » et « Le Matin » édités à Jérusalem, et aussi en vente à Bethléem.
Tout y est pour constituer un excellent reportage « people ».
+ Des mages à la recherche d’une étoile : étrange, mais aussi fascinant !
+ Tout un remue-ménage dans le palais d’un roi, avec le clergé et de savants experts à la rescousse. Une affaire croustillante !
+ Des trésors scintillants, avec de l’or, de l’encens et de la myrrhe à gogo !
+ Et même de la violence et du sang pour celles et ceux qui s’intéressent à la finale de cette histoire extraordinaire.
+ Il ne manque que du sexe à la sauce de Hollywood, encore que, dans la première lecture, des jeunes gens portent des filles sur leurs bras. Danger, Mesdemoiselles !

En réalité –plus sérieusement- cette page d’évangile pose des questions graves et apporte des réponses éclairantes, y compris pour nous aujourd’hui.

Il y a d’abord un grand contraste avec le récit de la Nativité dans l’évangile de Luc.
+ Là de pauvres bergers juifs qui accourent vers une étable à l’appel d’anges qui chantent dans la nuit ;
+ Ici une caravane de riches savants qui frappent à la porte d’un palais pour trouver « le roi des juifs qui vient de naître » ;
+ D’un côté le petit peuple d’Israël au village de Bethléem ;
+ De l’autre des mages païens venus du lointain Orient, qui ont leurs entrées à Jérusalem où siègent les prêtres et les autorités politiques ;

Mais il y a un point commun, qui constitue à la fois la question et la réponse du jour. Je cite :
« Les bergers découvrirent Marie et Joseph avec le nouveau-né couché dans une mangeoire ».
« En entrant dans la maison, les mages virent l’enfant avec Marie sa mère ».
Tous, quels que furent les circonstances de départ et l’itinéraire du voyage, se sont retrouvés aux pieds du même enfant, celui que les anges appelaient « le Sauveur, le Messie, le Seigneur ». Autrement dit, pour les uns comme pour les autres, il n’y a qu’un seul Seigneur et Sauveur, le Fils de Dieu et l’enfant de Marie, Jésus le Christ.
Avec des effets merveilleux quand on le rencontre personnellement :
Les mages en « éprouvèrent une très grande joie ». Quant aux bergers, « ils glorifiaient et louaient Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu. »

Que de leçons pour nous aujourd’hui !
Il n’y a qu’un seul Sauveur pour tout le monde, celui que le Père a envoyé à notre secours par amour de toute l’humanité. Les chemins pour le chercher, le rencontrer, le connaître et même s’agenouiller devant lui sont certes variés, mais ils conduisent finalement vers le même Sauveur.
« Allons jusqu’à Bethléem », se disaient les bergers, et l’étoile des mages s’arrêta sur ce même lieu, là où se trouvait ce même enfant.

Etre cette étoile pour toute l’humanité, c’est aujourd’hui la mission de l’Eglise, notre mission.
Or actuellement cette étoile a pâli, cette mission est remise en question.
C’est vrai : à côté d’exemples merveilleux –et parfois héroïques- d’actions missionnaires jusqu’au bout du monde, il est arrivé dans l’histoire que la violence militaire, les intérêts financiers et l’oppression politique accompagnent malheureusement les démarches missionnaires des chrétiens. Nous mesurons les erreurs et les horreurs commises par certains des nôtres, quand nous déplorons aujourd’hui les mêmes folies meurtrières perpétrées par certains fanatiques au nom d’autres religions. Il y eut, et il y a encore hélas ! des Hérode cachés sous les costumes de certains religieux dévoyés.
Mais nos errements passés, pas plus que les funestes exemples de certains missionnaires non-chrétiens aujourd’hui, ne doivent éteindre notre ardeur évangélisatrice, puisque personne ne peut supprimer notre devoir sacré de témoigner pour le Christ, notre Sauveur et celui de toute l’humanité.
Des bergers qui « faisaient connaître ce qui leur avait été dit au sujet de cet enfant » jusqu’aux apôtres auxquels Jésus adressa ces paroles avant de remonter au ciel : « Allez, de toutes les nations, faites des disciples » : tous nous rappellent notre mission inaliénable : annoncer Jésus et son Evangile, cette Bonne Nouvelle destinée à tous –nous n’en avons pas le monopole !-. Certaines et certains sont allés à l’autre bout du monde pour être fidèles à cette vocation. Nous savons mieux maintenant qu’il y a énormément à évangéliser - ou ré-évangéliser- chez nous aussi, tant sont nombreux celles et ceux qui ont oublié le Christ, tant est profonde l’ignorance de son message pourtant libérateur, même dans nos sociétés dites « de vieille chrétienté ».

S’il est une heureuse invitation à retenir de cette fête, c’est bien cette promesse provocante, mais en forme de béatitude : « Qu’ils sont beaux, sur les montagnes, les pieds du messager qui annonce la paix, du messager de bonne nouvelle qui annonce le salut ». Is 52,7.
Les pieds…et tout le reste aussi !

Claude Ducarroz

dimanche 2 janvier 2011

Voeux à mgr Farine et au diocèse

A Monseigneur Pierre Farine

« Vous êtes de la famille de Dieu. » Ep 2,19.

C’est ainsi que l’apôtre Paul s’adressait aux chrétiens d’Ephèse. Pour être celle de Dieu -ce qui est un grand mystère et un immense cadeau-, nous n’en formons pas moins une famille avec ses joies et ses peines, ses « histoires de famille », en communion avec la grande famille qu’est l’Eglise universelle, en solidarité –fût-elle critique- avec la famille encore plus grande, celle de toute l’humanité.

En cette année 2010, notre famille diocésaine a d’abord été marquée par la maladie, puis la mort de son premier berger, notre évêque Bernard Genoud. Dans une proximité particulièrement intense, notre décanat et notre ville ont participé de plein cœur à ces évènements qui affectent profondément la vie d’une Eglise locale. Nous avons ressenti, dans notre tristesse mais aussi dans l’espérance pascale, combien la personnalité de notre évêque avait laissé des traces évangéliques bien au-delà des cercles du milieu ecclésiastique et même ecclésial. Si l’intérêt des médias n’est pas toujours indemne d’ambiguïté, les réactions exprimées dans ce qu’on appelle « le grand public » nous ont impressionnés et touchés. C’est pourquoi notre deuil se change en actions de grâces pour celui qui, certes, nous a quittés trop tôt, mais surtout qui a su donner, jusque dans sa maladie et sa mort, le témoignage d’un véritable disciple du Christ crucifié et ressuscité. Qui que nous soyons, n’est-ce pas là l’essentiel de notre vocation à tous ? Mgr Genoud nous l’a rappelé de manière éloquente. Merci Bernard !

Au lendemain de la messe d’enciellement de notre évêque Bernard –comme on l’a écrit-, le collège des consulteurs vous a désigné, cher Pierre, comme administrateur de notre diocèse. Nous vous remercions d’avoir ainsi repris le flambeau du guide apostolique pour le troupeau que le Seigneur vous a confié, avec l’aide de vos collaborateurs et collaboratrices, dans un esprit de sereine responsabilité. Notre diocèse vit –et non seulement survit- sous votre aimable silhouette. Comme vous, nous souhaitons que ce temps d’attente ne dure pas trop longtemps. Mais nous savons aussi que les secrets du Vatican nous échappent. La prière et l’espérance suffisent à nous conférer la patience nécessaire. Nous sommes prêts pour l’accueil d’un nouveau berger, dans un esprit de foi et de sincère fraternité. Et, en attendant- heureusement- rien ne nous empêche de continuer à servir l’Eglise et nos frères et sœurs humains, en fixant notre regard sur le Christ, le Bon Pasteur par excellence, à l’écoute de son évangile, « lumière sur notre route et lampe pour nos pas. »

Lumière sur notre route, et même sur nos places et dans nos rues. Comment ne pas évoquer ici l’expérience positive de FestiBible qui a fait résonner une autre parole au cœur de notre cité, justement au moment où notre évêque vivait ses derniers jours ici-bas. Nous constatons, parfois avec une certaine tristesse qui pourrait devenir découragement, que nos assemblées habituelles, liturgiques ou autres, rassemblent seulement de petits troupeaux. Avec l’évènement FestiBible, à l’instar de « Prier et témoigner », nous recevons comme un cadeau la démonstration que la Parole de Dieu peut encore intéresser beaucoup de gens, au-delà des cercles habituels, surtout quand les chrétiens jouent « œcuménique et bilingue » au lieu de rester chacun dans son jardin confessionnel ou culturel. Il y a sûrement là une leçon à tirer ou plutôt un signe que le Seigneur nous adresse : croire ensemble à la puissance de la Parole de Dieu, nous donner la main pour la goûter, la faire connaître comme une bonne nouvelle, la mettre en pratique comme un beau service offert à tous. Encore une occasion de rendre grâces.

Nous en avons bien conscience : si la vie diocésaine a besoin de temps en temps
d’évènements plus largement rassembleurs - il y en eut un autre à Neuchâtel autour de la diaconie et un autre encore à Lausanne autour de la pastorale d’engendrement-, la vie ordinaire garde toute son importance, dans les communautés et services que les chrétiens, par la variété de leurs charismes et engagements, assument au jour le jour, humblement et fidèlement. Dans ce contexte, la formation permanente prend de plus en plus un essor réjouissant, dans les institutions qui distillent cette formation et qui, pour la plupart se trouvent justement à Fribourg. Il suffit de penser à notre université, à l’IFM et à bien d’autres maisons de formation théologique et spirituelle. Sans oublier les médias catholiques, nombreux et de qualité, qui jouent leur rôle précieux dans le concert, souvent cacophonique, des médias modernes à succès. A y regarder de plus près, nous avons la chance de pouvoir profiter de multiples opportunités de formation pour lesquelles, là aussi, nous devons rendre grâces, tout en encourageant celles et ceux qui gardent la lampe de l’Eglise et la flamme de la foi bien allumées au milieu de beaucoup d’obscurités audiovisuelles.

Fidélité et renouveau : par les temps qui courent, nous sommes tous appelés à conjuguer ces deux exigences à saveur évangélique. Après la tempête qui a secoué, chez nous aussi, la maison presbytérale, une fidélité renouvelée nous est demandée par le Seigneur, rappelée encore récemment par le pape Benoît XVI dans son discours à la curie romaine. Nous avons compris, si nous l’avions jamais oublié, que la conversion et la sainteté, toujours en voie de développement par la grâce de l’Esprit-Saint, sont à la base et de notre action pastorale et de notre bonheur à servir. Et le renouveau nous est sans cesse rappelé par les projets de réformes en cours, dans la manière de concevoir, d’organiser et surtout de vivre le mystère de l’Eglise en ces temps d’épreuves mais aussi d’initiatives pastorales. Notre diocèse est un vaste chantier –mais n’est-ce pas la vocation de toute l’Eglise d’être sans cesse en construction, en édification ? Le même apôtre Paul, juste après la mention de la famille de Dieu, nous dit que « dans le Christ toute la construction s’ajuste et grandit pour former un temple saint », et que nous sommes tous « intégrés à la construction pour devenir une demeure de Dieu dans l’Esprit. » Notre fatigue parfois, mais aussi, je l’espère, surtout notre joie, c’est d’être des ouvriers, et peut-être même seulement de pauvres manoeuvres, sur ce chantier d’évangile dont l’architecte est le Christ lui-même, en attendant la venue d’un bon contremaître, probablement avec crosse et mitre, et surtout en tenue de premier serviteur, au milieu de ses frères et sœurs déjà à l’œuvre. A l’œuvre, ça signifie avec beaucoup de zèle, mais aussi beaucoup de questions et même des soucis, par exemple pour la pastorale de proximité, pour l’avenir de la mission des prêtres, pour la juste considération du rôle indispensable des diacres et des laïcs, pour l’annonce de l’évangile à notre jeunesse, pour le soutien à nos familles si souvent éprouvées, pour la présence des chrétiens et chrétiennes au cœur des débats de société, tellement cruciaux, jusque dans les urnes. En un mot pour la coordination du travail apostolique sur le chantier ecclésial, de sorte que la bonne ambiance ouvrière soit toujours favorisée par la généreuse participation de tous, pas seulement dans ou autour des églises, mais sur les parvis, et jusque sur les places et dans les rues de notre société en quête de sens au milieu de ses drames et de ses succès.
Dans cet esprit, nous vous souhaitons, cher Monseigneur l’Administrateur diocésain, une bonne et sainte année, à votre personne, mais aussi à vos collaborateurs et collaboratrices. Et pour reprendre les vœux de l’apôtre Paul, toujours dans cette même épître aux Ephésiens : « Que le Seigneur, selon la richesse de sa gloire, nous arme de puissance par son Esprit pour que se fortifie en nous l’homme intérieur, que le Christ habite en nos cœurs par la foi et que nous soyons enracinés et fondés dans l’amour. »
Claude Ducarroz, prévôt et doyen

De pauvre à pauvre

Fleur de vie

De pauvre à pauvre

Devant la poste principale. Arrive un monsieur sérieusement handicapé. Deux cannes et une profonde boiterie en donnent la preuve. Il s’assied près de la porte et tend un gobelet destiné à recueillir quelque aumône. Le succès n’est pas au rendez-vous. Toujours rien dans le récipient de plastic. Et pourtant il y a foule ce matin. Entre les passages indifférents, les sourires sceptiques et quelques regards de pitié : le gobelet est toujours vide. Pas de chance !
Et puis soudain surgit la chance. Ou plutôt une autre personne handicapée, celle-là sur un fauteuil roulant, qui sort de la poste. Sans hésiter, elle manoeuvre son engin jusqu’à ce qu’elle se trouve en face du quémandeur et, avec un beau sourire, glisse discrètement une pièce dans le gobelet. Et s’en va !
Rien d’étonnant à cela. Que de fois j’ai remarqué qu’il faut être soi-même pauvre, d’une manière ou d’une autre, pour comprendre un autre pauvre et venir à son secours sans l’humilier. C’est quand on est ensemble, parfois au plus bas, que les cœurs s’ouvrent dans des gestes de véritable compassion qui n’ont rien à voir avec une pitié condescendante. La charité devient une offre partagée, un échange de cadeaux, à égalité de misère et de fraternité.
Heureusement, si l’on cherche bien au fond de soi, si l’on est honnête avec soi-même, n’avons-nous pas, chacun de nous, quelque pauvreté qui nous permet d’aider d’autres pauvres en les aimant vraiment? Comme Jésus, de la crèche à la croix.
Et une joie pascale se met à briller comme une étoile dans la nuit.
1556 signes Claude Ducarroz