lundi 24 décembre 2012

Noël 212

Noël 2012




Joyeux Noël !

Pardon ! Vous parlez de quel Noël ? De quel Noël s’agit-il ?



Il y a celui qui a commencé déjà au début de novembre. On le nomme plutôt maintenant avec une certaine pudeur « les fêtes ». Alors, comme on dit : « Bonnes fêtes ». Avec des vitrines scintillantes, des propositions de réveillon bien gavé et bien arrosé, une débauche de consommation. Et quelques cadeaux évidemment, tantôt pour faire plaisir –et c’est très louable-, tantôt pour apaiser sa conscience, et c’est moins avouable.



Et puis à l’autre bout de la société, il y a ces Noëls dont j’entends dire : « Je n’aime pas ces fêtes. Vivement que ce soit passé ! » A cause des fatigues, à cause des solitudes, à cause des épreuves de santé, à cause des souvenirs pas toujours très festifs.



Et au milieu, entre deux, qu’est-ce qu’il y a ? Ce qu’on appelle « les fêtes de famille ». Quand on fait une enquête, les gens répondent surtout : « Noël, c’est une fête de famille ». Et c’est chaleureux. On s’aime davantage, on se rencontre plus. C’est beau !



Sauf qu’il ne faudrait pas oublier une certaine famille sans laquelle il n’y aurait jamais eu de Noël, ni il y a deux mille ans ni aujourd’hui. Oui, il y a bien une famille à l’origine de tout cela. Permettez-vous qu’elle se glisse discrètement entre le sapin illuminé, les cadeaux petits ou grands, les guirlandes et les menus de fêtes ? Et même au milieu des chants traditionnels, les vôtres.

Une famille. Plusieurs familles.

La première est éternelle. Donc toujours d’actualité. C’est la famille trinitaire, là où tout a commencé. Car Dieu est communion, parce qu’il est Amour, dans le bonheur du Père, du Fils et du Saint Esprit. Avec une précision importante : Dieu n’est pas du genre super-égoïste puisqu’il est justement Amour, il n’est que Amour. Il est amour à communiquer, à partager, à donner en cadeau, à se donner lui-même. En cadeau à nous, pour nous.



Et nous voilà à Bethléem, précisément pour Noël. Oui, « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a envoyé son fils unique » en la personne de Jésus de Nazareth. Tout cela peut sembler fou à des esprits qui ne perçoivent pas jusqu’où peut aller l’amour quand c’est Dieu qui aime.

Aimer, n’est-ce pas rejoindre l’autre là où il est, si bas qu’il soit ? N’est-ce pas se mettre à la place de l’autre pour lui montrer et lui démontrer cet amour ? Y compris, s’il le faut, pour le sauver ?



C’est ce que Dieu a fait à travers une famille toute simple, car Dieu ne pouvait que prendre la dernière place pour relever les plus petits, les derniers, les exclus de toutes sortes. Et cette famille est là devant nous dans la prodigieuse imagerie de Noël sous toutes ses formes : une femme, « petite servante du Seigneur », un homme juste et droit, tout de travail, de silence, de prière et de dévouement, Joseph.

Et surtout le petit, le bébé, l’enfant : le fils de Marie et le fils de Dieu, la rencontre parfaite dans la fragilité de la chair, entre l’humanité commune et la divinité pleinement offerte.





Tout le reste, en forme de poésie, de musique, de chant : vous l’exprimez mieux que je ne saurais le dire avec des paroles. La beauté est plus proche du mystère que tous les mots pour le dire. Les anges nous le rappellent avec leur présence de troubadours de l’évangile. Les bergers -les premiers invités à la fête du ciel et de la terre- sont là pour nous le répéter : les pauvres auront toujours la priorité dans le cœur et la vie du nouveau-né de Noël.



Noël ! Mais attention : Noël peut aussi être un piège. Il peut nous scotcher au passé sous des images romantiques, des airs pastoraux, des souvenirs sentimentaux. Tout le monde aime Noël, même les chrétiens plus ou moins détachés de la foi, même les incroyants les plus convaincus. Qui ne célèbre pas cette fête, d’une manière ou d’une autre ? Noël se serait-il réfugié, pour survivre, dans le registre de la nostalgie religieuse ?



Cette nuit, avec l’Eglise, je vous invite à conjuguer Noël au présent, au présent de Dieu, dans l’actualité du Christ, dans l’aujourd’hui de nos vies.

Plusieurs moyens sont à notre disposition.

Il y a cette Parole que le Verbe de Dieu ne cesse de nous adresser à travers la Bible, surtout dans les liturgies, quand Jésus est encore servi aux bergers que nous sommes, dans une crèche de simplicité et de beauté.

Il y a aussi tous les pauvres de notre monde –et qui peut dire qu’il n’est pas parmi ceux-là, au moins à certains moments de son aventure humaine ? Le petit pauvre de Bethléem n’a-t-il pas dit un jour : « Tout ce que vous faites –ou pas- à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous le faites… ou pas » ? Alors là, surtout dans notre monde actuel, les possibilités de communion concrète sont vraiment infinies, sous les espèces de l’amour partagé, y compris avec celles et ceux qui ne sont peut-être pas aimables. Car quand on aime un peu comme Dieu, on ne compte pas, puisqu’il est le dernier en calcul parce qu’il est le premier en amour.



Et puis il y a le Noël suprême, pas seulement cette nuit, mais tous les dimanches, et même tous les jours, si nous en avons l’appétit : l’eucharistie, à savoir Jésus en personne enveloppé non plus de langes, comme à la crèche, mais enrobé de pain quotidien: « Prenez, mangez, c’est moi, c’est mon corps donné pour vous et pour la multitude.

Oui, le corps qui a grandi dans le sein de Marie durant 9 mois, le corps présenté aux regards étonnés et émerveillés des bergers de Bethléem, le corps qui fut en croix pour embrasser le monde entier et le serrer sur le cœur du Père dans un baiser de miséricorde.

Et le corps du vivant au matin de Pâques, avec des rayons de gloire jaillissant de ses plaies encore ouvertes pour nous montrer la victoire de l’amour sur tout mal, de la vie sur la mort, de l’espérance sur le non-sens.



Noël, ce fut la crèche. Maintenant, c’est la messe. Et tout ce qui va avec.

Et nous, sommes-nous avec ?



Claude Ducarroz

samedi 22 décembre 2012

Homélie du 4ème dimanche de l'Avent

Quatrième dimanche de l’Avent

Alors, tout va bien ? Tout va mieux ? Vous avez passé sans encombre la fin du monde prévue pour le 21 décembre dernier ? Vos héritiers sont contents. Vous aviez rectifié généreusement votre testament, n’est-ce pas ? J’espère que vous n’avez pas oublié la pauvre Eglise catholique romaine de Genève !

Eh ! bien la liturgie de ce jour nous invite -heureusement- à passer à des choses plus sérieuses. Le savez-vous ? Noël est bientôt là. Il frappe à notre porte. C’est demain soir, la nuit de lumière ; c’est après-demain la grande fête.

Aujourd’hui l’Eglise nous propose de faire trois voyages, des pèlerinages de préparation et de proximité avec le mystère qui va bientôt éclater aux yeux de notre foi dans la nuit de Noël.

A dire vrai, le premier voyage nous échappe, et pourtant il est fondateur, et en plus accompli à cause de nous, ou plutôt en notre entière faveur. C’est un déplacement uniquement motivé par le plus grand amour. L’épître aux Hébreux essaie de nous le décrire, cet itinéraire qui vit Dieu lui-même descendre sur notre terre afin de nous rejoindre ici-bas, là où nous sommes.

Une phrase résume cette extraordinaire entrée du fils de Dieu dans notre monde en un corps: « Me voici, mon Dieu, je suis venu pour faire ta volonté. » Dieu est devenu un pèlerin humain parmi nous, il est venu chez les siens, il a planté sa tente au milieu de nous en commençant son aventure par le sein visité d’une vierge d’Israël. Marie répondit : « Qu’il me soit fait selon ta parole ! » Premier voyage réussi !

Aussitôt commence un deuxième voyage. Enceinte de Dieu, Marie ne tient pas en place. Elle se met en route rapidement à travers les montagnes. Il lui faut partager son secret dans un geste d’amour, dans une démarche de solidarité.
Quand Dieu a investi un cœur et un corps humains, il déplace, il fait bouger, il met en chemin. Quand on laisse Dieu travailler en nous, il nous envoie vers les autres, tout près ou au loin, comme Marie vers Elisabeth. Plus qu’une visite : une visitation.

Qu’est-ce à dire ? Jésus est encore tout petit dans le ventre de sa mère. Il est invisible aux yeux de chair, mais ceux de la foi aperçoivent déjà la merveille. Le divin anonyme est déjà à l’ouvrage. Il remue dans le sein de Marie et provoque un remue-ménage spirituel autour de lui. Jean-Baptiste, lui aussi encore infime, en est tout tressaillant de joie. Et sa mère Elisabeth en est toute transformée. Elle est revêtue d’une foi nouvelle, elle qui, la première, salue Marie entre toutes les femmes en affirmant qu’elle est « la mère du Seigneur. »

 Et puis c’est la fête de l’Esprit Saint, en cette vieille femme qui crie d’une voix forte la première béatitude de l’Evangile : « Heureuse celle qui a cru en l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. » Cette visite est devenue une visitation, comme toutes celles que nous accomplissons quand l’amour nous inspire et que la foi nous éclaire, notamment à l’approche de Noël.

Il reste le troisième voyage. Il nous est suggéré par la première lecture quand le prophète Michée nous parle de Bethléem, « le plus petit des clans de Judas, là où enfantera celle qui doit enfanter. »
A la veille de l’heureux évènement, nous sommes en marche vers le berceau ou plutôt la crèche des petits pauvres qui ne trouveront pas de place à l’hôtellerie. Nous sommes avec Marie, mais aussi avec Joseph, qu’il ne faut jamais oublier

Le voyage imprévu d’un couple forcé de quitter sa maison pour obéir aux ordres de l’autorité supérieure, avec une femme enceinte, des appréhensions plein le cœur et des questions plein l’esprit. Avec eux, si nous voulons bien les accompagner, nous prions avec les psaumes et les mots de la bible. Avec eux, nous partageons le destin des déplacés, réfugiés, sans logis, SDF de toutes sortes à travers le monde. Avec eux, nous nous préparons à accueillir auprès de Jésus tous les bergers de la terre, les femmes et les hommes les plus simples, ces pauvres de cœur dont le Christ dira qu’ils sont heureux, les préférés du Père.

Frères et sœurs, tout à l’heure nous allons aussi nous mettre en route, faire un bout de chemin jusqu’à la table eucharistique en nous insérant humblement dans l’Eglise en pèlerinage vers son Sauveur.
En un seul périple, nous allons revivre symboliquement une marche à l’étoile, un rendez-vous avec la lumière du monde.
Au cœur, nous porterons toute l’espérance d’Israël et aussi les espoirs de toute l’humanité en quête de salut, quelle que soit la religion des croyants et des priants de cette terre. 

Un peu comme Marie, dans la communion au Christ, nous serons habités par une présence réelle, mais discrète, presque cachée, puisque le Sauveur viendra à nous sous la forme la plus humble : un morceau de pain.

Enfin, notamment grâce au sacrement de la réconciliation, Dieu aura lui-même préparé la place dans la crèche de notre cœur pour l’accueil du divin Pasteur, celui qui se plaît parmi les petits bergers de ce monde, pas parfaits certes, mais recommandables par leur foi sincère et leur amour en voie de réchauffement.

Et l’enfant-eucharistie -le chemin, la vérité et la vie- tressaillira en nous en faisant de notre visite sa visitation.
Amen !

                                               Claude Ducarroz

dimanche 16 décembre 2012

Homélie 3ème dimanche de l'Avent

Homélie du 3ème dimanche de l’Avent




Alors, qu’est-ce que vous préférez ? Le 21 ou le 25 ? Non, ce n’est pas le numéro gagnant du loto. Comme vous le savez tous : le 21 décembre, c’est la fin du monde. Et le 25, c’est Noël. Donc plus que 5 jours, et vous saurez tout. Mais je vous préviens : si c’est la fin du monde le 21, vous ne pourrez pas fêter Noël cette année.

Pour sa part, la liturgie de dimanche a choisi : c’est le numéro 25, c’est la joie et non pas l’angoisse, c’est la fête et non pas la ruine. C’est Noël !



Le ton est déjà donné par la première lecture tirée du prophète Sophonie : « Pousse des cris de joie, fille de Sion… Tressaille d’allégresse, fille de Jérusalem ! » L’apôtre Paul lui répond en écho : « Frères, laissez-moi vous le redire : soyez dans la joie ! » Même l’austère Jean Baptiste en rajoute dans l’évangile puisqu’il est dit « qu’il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle. »



De la joie qui dégouline de partout, des ovations et de la danse, la fête sur tous les tons : on se dirait à Genève pour l’escalade, ou dans nos rues commerçantes durant le mois de décembre.



Mais est-ce bien de cela qu’il s’agit ? Rassurez-vous ! je ne veux pas jouer au rabat-joie. Nos cités sont pleines de lumière et de poésie à l’occasion de ce qu’on appelle pudiquement « les fêtes ». Je me réjouis que des lumières scintillantes habillent nos rues enneigées. Je sais aussi que les cœurs s’attendrissent à la faveur de l’actuelle saison. Pour un temps du moins, nous devenons meilleurs, et c’est tant mieux.



Et pourtant ce qu’évoque la liturgie de ce dimanche, c’est encore autre chose, tellement plus profond, plus durable, plus essentiel. Quelle est la bonne adresse de cette joie ? « Le Seigneur est en toi. Tu n’as plus à craindre le malheur. Car il te renouvelle par son amour », avertit Sophonie. Et saint Paul ajoute une précision : « Soyez toujours dans la joie du Seigneur… Car le Seigneur est proche. »

Sans être ennemi des plaisirs qui nous font du bien, sans cracher sur nos joies humaines -grandes ou petites-, l’évangile nous promet encore une autre joie, celle qui a éclaté justement à Noël, pour les anges et les hommes, pour les bergers et les mages : la joie dont Jésus nous dira que rien ni personne ne peut nous l’enlever.



Dieu est joie, justement parce qu’il est Amour majuscule dans la fête éternelle de la Trinité. Quand on n’est qu’amour, on est forcément allégresse infinie, bonheur parfait.

Mais ce sublime trésor intérieur, Dieu ne saurait le garder pour lui seul. Sinon, il serait un divin égoïste, le contraire de Dieu-Amour. Noël, c’est la révélation suprême du vrai visage du vrai Dieu : il est don, générosité, partage, cadeau universel. Tellement tout cela qu’il devient l’un de nous pour nous le montrer et le démontrer. « Dieu a tellement aimé le monde –autrement dit nous, chacun de nous et tous- qu’il a envoyé son fils unique ». Alors se réalise vraiment la promesse du prophète : « Ne crains pas, Sion ! Le Seigneur ton Dieu est en toi, c’est lui le héros qui apporte le salut. »



Nous expérimentons cela quand nous retrouvons en nous cette source de divine joie, la fontaine de la fête intérieure. Cette allégresse est là, comme un présent sans cesse offert, quand nous écoutons en nous le murmure de la parole de Dieu, quand nous descendons en nous par la prière, quand nous ouvrons en nous un peu d’espace au silence, quand nous communions savoureusement au corps du Seigneur dans l’eucharistie.

Il y a en chacun de nous un puits de vie et de joie inaltérables, et si souvent nous l’oublions par superficialité. Assoiffés, nous passons à côté de l’eau vive sans nous arrêter. Affamés, nous cherchons le pain loin du vrai boulanger.



Mais heureusement, rien n’est perdu. Nous sommes un peu comme ces foules qui venaient auprès de Jean-Baptiste en lui demandant : « Que devons-nous faire ? » Ne sommes –nous pas, nous aussi, ce peuple en attente, dans un désert spirituel, même si nous sommes submergés par les fastes de la société de consommation et drogués par les frasques des minables plaisirs tristes.

Jean-Baptiste nous ramène au centre, à l’essentiel, là où la joie des uns fait le bonheur des autres, là où les signes de la présence de Dieu ne trompent pas.



Tout commence par l’accueil de celui qui vient nous « baptiser dans l’Esprit Saint et dans le feu », celui qui non seulement apporte avec lui une Bonne Nouvelle, mais celui qui est cette Bonne Nouvelle en personne : Jésus de Nazareth, le fils de Dieu et le fils de Marie.

Et puis une telle fréquentation du Christ change la vie, la nôtre et celle de toute l’humanité. C’est du gagné pour tous. Encore faut-il aller jusque là dans le témoignage pour et avec Jésus, quitte à remettre en question beaucoup de choses en nous et dans le monde.

Vous l’avez entendu : partager ses vêtements avec ceux qui n’en ont pas, donner à manger à ceux qui ont faim. Oui, pratiquer la justice économique et financière, refuser la violence -militaire ou autre- pour préférer la douceur de la paix. Et finalement mener une vie saine et sobre au lieu de nous laisser aller à tous les excès que nous proposent et parfois nous imposent les publicités de pacotille.



Alors, oui, nous serons, non seulement des bénéficiaires heureux, mais aussi des témoins joyeux de la Bonne Nouvelle, celle de Jésus, le Jésus de Noël et de Pâques.

Amen.



Claude Ducarroz

samedi 8 décembre 2012

Deuxième dimanche de l'Avent

Homélie du deuxième dimanche de l’Avent




Alors, qu’est-ce que vous préférez ? Le 21 ou le 25 ? Non, ce n’est pas le numéro gagnant au loto. Comme vous le savez tous : le 21 décembre, c’est la fin du monde. Et le 25, c’est Noël.

Vous avez donc le choix. Mais je vous préviens : si c’est la fin du monde le 21, vous ne pourrez pas fêter Noël cette année.



Dans l’évangile de ce dimanche, Jean-Baptiste a fait son choix, vous l’avez entendu : « Tout homme verra le salut de Dieu ». Et ça, c’est plutôt Noël ! Je pars donc du principe que, vous aussi, avec toute l’Eglise, vous avez opéré le bon choix. C’est le temps de l’Avent, nous allons vers Noël. N’allez pas vous précipiter chez un notaire pour peaufiner votre testament. Il y a mieux à faire : recevoir un baptême de conversion au bord du Jourdain pour le pardon de nos péchés.



Il reste que cette fête de Noël demeure un peu bizarre. Il y a plusieurs façons de la célébrer et donc de la préparer.

Noël est une fête de mémoire qui nous rappelle un évènement passé et d’une certaine manière dépassé. Car Jésus a bien grandi depuis lors. Le petit Jésus dans sa crèche, avec les bergers dans les champs et les anges dans nos campagnes, c’est fini. Ce fut une fois.

Aujourd’hui le Messie est ailleurs ou plutôt autrement.



L’Avent peut être une période de douce nostalgie qui ranime surtout les souvenirs romantiques de l’enfance perdue. Ce n’est pas mauvais, ça fait chaud au cœur, surtout si on peut le vivre dans un esprit de partage et d’amour.



D’ailleurs la société des commerces s’y entend pour nous scotcher à cette image d’un évènement savoureux et même un peu sirupeux, avec de moins en moins d’eau bénite sur les réveillons et de plus en plus de consommation païenne.



Or l’Avent du vrai Noël, c’est autre chose. Car Noël, pour les chrétiens, si c’est une pieuse mémoire, c’est surtout la communion actuelle avec un Vivant et une immense espérance source de joie, et non pas de peur.



L’Avent, c’est s’habiller le cœur des espérances d’Israël, refaire avec le peuple de Dieu le difficile parcours vers le Messie à venir ; c’est entrer dans le pèlerinage d’une Eglise toujours en marche, c’est devenir des nomades de l’Evangile. Et réentendre le cri du prophète : « Debout, Jérusalem, et tiens-toi sur la hauteur ! Vois tes enfants rassemblés du levant au couchant par la parole du Dieu saint. » Et notre prière se fait désir, attente, veille. La spiritualité des marcheurs du salut.



L’Avent, c’est savoir que ce salut est venu jusqu’à nous dans la personne de Jésus de Nazareth, le fils de Dieu né d’une femme, le verbe fait chair. C’est tellement autre chose que des souvenirs, fussent-ils religieux. C’est la certitude que ce monde, tel qu’il est, est aimé par Dieu, qu’à toute l’humanité est offert le salut.



Parce que l’enfant de Noël est monté sur la croix par amour, parce que le crucifié est ressuscité le matin de Pâques, parce notre frère aîné Jésus prie pour nous en nous attendant dans la maison de son Père et notre Père, parce que son Esprit nous accompagne sur les routes tortueuses, et parfois vertigineuses, de notre histoire et de nos histoires.



Pour une part, c’est vrai, ce qui a commencé à Noël, est encore devant nous. Il y a une mémoire, il y a surtout une espérance. Notre humanité est enceinte de Dieu, car la révélation plénière est encore à venir. Nous attendons le Royaume de Dieu, le retour du Christ glorieux, la pleine rédemption de nos personnes, y compris avec notre dimension corporelle. Pas une fin, mais une éclosion, un accomplissement, une moisson.



L’Avent nous donne à la fois la certitude que tout est désormais accompli par le Christ et en lui. Il nous invite en même temps à nous tourner résolument vers l’avenir de Dieu en nous et dans le monde, sur les ailes de la promesse de salut inauguré à Noël, démontré sur la croix et scellé au matin de Pâques.



Vous avez entendu : « Jérusalem, quitte ta robe de tristesse et de misère, et revêts la parure de la gloire de Dieu pour toujours, et enveloppe-toi dans le manteau de sa justice. Mets sur ta tête le diadème de la gloire de l’éternel. » Car, nous dit l’apôtre Paul, « Dieu qui a si bien commencé chez vous son travail le continuera jusqu’à son achèvement au jour où reviendra le Christ Jésus ».



Alors, vous hésitez encore ? Choisissez le 25 et non pas le 21. Et dans quelques instants, regardez sur l’autel et bientôt dans votre main : notre passé, notre présent et notre avenir seront là, dans l’humble crèche de votre main, dans le berceau de votre cœur : le Christ du pain de vie qui promet la vie éternelle. Pour la gloire de Dieu et le salut du monde.



What else ?

Claude Ducarroz





500 ans du Chapitre cathédral

Le grand merci




« Magnificat ! » Mon âme exalte le Seigneur !



La liturgie de ce jour donne la main à notre fête pour nous fournir les meilleurs mots de la reconnaissance. Et deux vitraux inspirés par le cantique de Marie amplifient encore le chant de notre joie. Le premier est tout en couleurs de gloire, celui d’Alfred Manessier, enfin visible de jour depuis une semaine grâce à la coupole de verre installée au faîte du narthex de notre cathédrale. L’autre a ruisselé sur nous par la composition musicale originale de notre maître de chapelle Pierre-Georges Roubaty. Deux mains de beauté levées vers le ciel pour dire l’essentiel, à Dieu d’abord et aussi à vous tous : tout simplement merci.



Je pourrais m’arrêter là en ne citant personne d’autre pour n’oublier personne. Je dois cependant entrer dans quelques précisions afin que chacun reçoive, si possible, son dû de gratitude. Permettez que je les illustre par une dernière visite de notre collégiale-cathédrale, tout en rappelant, au fil de la balade esthétique et pastorale, les missions actuelles et futures de notre vénérable chapitre, comme on aimait à le dire jadis.



Dans le premier vitrail à droite dans le chœur. Pour signifier le Chapitre cathédral, deux chanoines sont à genoux. Mais oui : ils prient ! L’un porte l’aumusse, héritage d’un passé qui remonte à notre fondation en 1512. L’autre est revêtu du camail violet. Notre première mission est justement de prier, avec l’office ecclésial matin et soir, sans oublier l’eucharistie quotidienne désormais concélébrée grâce au concile Vatican II. Nous resterons fidèles à ce pieux devoir de louange et d’intercession pour notre diocèse et notre peuple. Nous le faisons et le ferons en communion avec la paroisse St-Nicolas, l’unité pastorale Notre-Dame et le décanat de Fribourg, avec la volonté de continuer à servir humblement, selon nos forces humaines et spirituelles. Et merci à tous les prévôts et chanoines qui avant nous ont assumé et assuré ce ministère liturgique et pastoral qui demeure au cœur de la vocation du Chapitre, sous la houlette de notre cher saint Nicolas de Myre.



Dans le même vitrail. Nous sommes après 1924. La nouvelle hiérarchie est bien en place. La collégiale, après des siècles de négociation et de résistance, est devenue la cathédrale du diocèse. L’évêque domine. Le chapitre, avec son prévôt encore crossé et mitré, est à ses pieds. Mais il est rappelé discrètement à son Excellence qu’il doit consulter le Chapitre (« audito collegio –audito capitulo »). Il n’y pas de risque d’abus dans ce domaine depuis que le Concile Vatican II a établi autour de l’évêque de nouveaux conseils sans doute plus performants. Un certain rôle « conseiller » demeure cependant, par et au delà de certains chanoines qui font partie de la maison épiscopale. Je profite de cette fête pour présenter à notre évêque les remerciements et les disponibilités du Chapitre. Votre présence parmi nous pour la présidence de notre célébration eucharistique de mémoire et de louange, comme d’ailleurs d’autres marques de fraternité à notre égard, nous touche et nous réjouit. Les chanoines, aujourd’hui heureusement établis dans tous les cantons de notre diocèse, vous en sont très reconnaissants.



Passons au vitrail d’en face, à gauche, si j’ose cette expression. Il illustre les liens entre l’Eglise et l’Etat. Après le colloque académique de 2010, le livre de Jean Steinauer -qui vient de sortir de presse et que vous pourrez éventuellement acquérir pour un prix d’ami à la sortie- raconte savoureusement cette passionnante saga typiquement fribourgeoise. Les temps on changé, certes. Mais la volonté du Chapitre actuel est intacte : servir notre peuple en veillant à de bonnes relations avec ses autorités. Rassurez-vous : nous ne souhaitons pas revenir à une « république des chanoines ».

Mais nous sommes toujours disponibles, dans une juste distinction des pouvoirs qui

n’empêche pas des collaborations symboliques et même un peu plus si entente. Nous le vivons dans le respect et l’amitié, quelles que soient les couleurs politiques des acteurs de la république. J’en profite pour remercier chaleureusement ces autorités, qu’elles soient cantonales, communales ou universitaires, pour leur soutien à notre jubilé et leur participation sincère et joyeuse à notre fête.



Schlussendlich sollte man unsere Stiftskirche und Kathedrale im Detail anschauen. Dies ist die letzte Aufgabe des Kapitels: die kulturellen Schätze, welche uns die vergangenen Jahrhunderte in der Unterschiedlichkeit der inspirierten Künste durch den christlichen Glauben überliefert haben, mit viel Sorgfalt zu erhalten und sie grossherzig ausstellen.



Dieses Jahr war wunderbar. Wir haben Tausenden von Besuchern die künstlerischen Schönheiten und die geistlichen Inhalte, welche in diesem Heiligtum enthalten sind, gezeigt. Ich möchte an dieser Stelle einen ganz herzlichen



Dank an all' jene richten, die uns, oft ehrenamtlich, von Seiten der Kirche, als Künstler oder als Medienverantwortliche in unserem Bemühen, diese Schätze zu präsentieren und zu erklären, unterstützt haben. Mögen diese Instanzen und alle grosszügigen, privaten oder öffentlichen Spender, sowie jene, die dank ihnen unsere schöne Kathedrale und ihre Umgebung besser kennen und schätzen gelernt haben, unsere Dankbarkeit entgegen nehmen.







Enfin il faudrait visiter en détails toute notre collégiale- cathédrale. C’est l’ultime mission du Chapitre : conserver soigneusement et exposer généreusement les trésors culturels que les siècles antérieurs nous ont légués, dans la variété des arts inspirés par la foi chrétienne. Cette année fut merveilleuse. Nous avons montré à des milliers de visiteurs les beautés esthétiques et les messages spirituels que contient notre sanctuaire. Je ne saurais assez remercier les personnes des milieux ecclésiastiques, artistiques et médiatiques qui nous ont encouragés, souvent gratuitement, dans nos efforts de présentation et d’explication. Que ces instances, ainsi que les généreux sponsors privés et publics, trouvent ici notre profonde gratitude, ainsi que celles de tous ceux qui, grâce à eux, ont appris à mieux connaître et à mieux goûter notre belle cathédrale et ses environs.



Il faut aussi savoir s’arrêter, même quand il y aurait encore beaucoup de mercis à dire. Pour remonter à la source, il nous faut évidemment honorer la mémoire de Peter Falk et du pape Jules II sans lesquels nous ne serions pas ici aujourd’hui. Pour plus de détails, je vous renvoie aux ouvrages cités plus haut. Il fait bon redécouvrir les aléas de notre histoire, celle d’un Chapitre de chanoines profondément solidaire d’un peuple en marche dans les vicissitudes du temps, comme le montre la femme au rouet qui déroule patiemment les fils des évènements.



A l’autre bout de cette longue histoire, dans l’humble et pourtant solennelle actualité qui nous rassemble, je pense au personnel de la paroisse et de la cure qui nous a prêté main forte. Je pense aux nombreux bénévoles et donateurs pour les célébrations, les visites, les concerts, les expositions, les mentions dans les médias.

Et en évoquant pour terminer le fameux « vin du chapitre », je lève mon verre pour boire à notre santé, à notre sainteté à tous et à l’avenir de notre Chapitre.

Oui, santé, sainteté et encore merci !



Claude Ducarroz



















jeudi 6 décembre 2012

Homélie de la Saint Nicolas

Homélie pour la Saint Nicolas




On ne l’appelait pas Monseigneur, mais il était -et il demeure- un grand pontife, un bâtisseur de ponts : notre cher patron, l’évêque saint Nicolas de Myre.



Inutile de chercher à démêler l’histoire et la légende. Une constatation s’impose: il fut un homme de grande charité, et d’abord en faveur des petits, des enfants, des souffrants et miséreux de toutes sortes. La bonté fut le point commun de tous ses miracles. Il savait construire des ponts entre son coeur débordant d’amour et les petites gens dans la difficulté ou la peine. On n’en finit plus –jusqu’à en rajouter sans doute- de raconter ses bienfaits.



Voilà une première leçon à retenir de notre saint patron. La pastorale –qui est l’art évangélique du bon pasteur- ne peut réussir que dans un climat de charité, d’abord entre les pasteurs sous toutes leurs formes, mais surtout à l’égard de celles et ceux qui, aujourd’hui encore, chez nous ou ailleurs, vivent des situations d’épreuves, de violences, d’injustices ou d’exclusion.



La compassion des chrétiens, avec leur foi au Christ évidemment, doit être la première carte de visite des évangélisateurs. Croire au Christ et aimer les gens : c’est ainsi que commence la mission, à l’imitation de Jésus lui-même dont on a dit qu’il passa en faisant le bien. Saint Nicolas nous le rappelle opportunément.



A partir de 1087, les précieuses reliques de saint Nicolas -dont nous avons le privilège de posséder un extrait- sont rapatriées en Occident grâce aux marins de Bari. Mais le culte de saint Nicolas n’a jamais cessé de fleurir en Orient. Beaucoup parmi nous ont sans doute pu le vérifier : sur les iconostases des églises orthodoxes ou gréco-catholiques, saint Nicolas figure toujours en bonne place, aussitôt après les saints de l’évangile. Ainsi donc, notre saint patron est devenu un pontife, un bâtisseur de ponts entre l’Orient et l’Occident des Eglises.



A l’heure de l’œcuménisme, notamment entre l’orthodoxie et le catholicisme, l’évêque de Myre nous invite à cultiver des relations fraternelles entre des Eglises unies dans la foi essentielle, certes, mais aussi très diverses dans leurs façons de la dire, de la célébrer et de la vivre.



Ce fut aussi l’une des redécouvertes du concile Vatican II : la beauté de l’unité dans la diversité ou la richesse des diversités quand elles s’épanouissent sur le socle de l’unité. Il y a encore beaucoup à faire pour que le respect des variétés culturelles assumées dans les Eglises soit vécu comme une manifestation de communion au lieu de devenir un prétexte à des divisions. Que saint Nicolas de Myre nous y aide !



Nous voici à nouveau réunis dans notre belle cathédrale, les principaux acteurs de la pastorale catholique dans notre décanat. Nous avons pu le vérifier au cours de l’année jubilaire du Chapitre de saint Nicolas : cette église est la véritable maison du peuple qui vit à Fribourg. Saint Nicolas nous y accueille en nous invitant à vivre, déjà entre nous, une pastorale de complémentarité et de collaboration fraternelles. Unités pastorales, paroisses, communautés de cultures différentes, communautés religieuses et aumôneries : nous sommes ensemble l’Eglise catholique en ce lieu. Il fait bon le rappeler et le symboliser, comme ce soir, sous le patronage de saint Nicolas.

Mais saint Nicolas accueille aussi tout le monde, car il lui plaît que chacun se sente bien ici, chez lui comme à la maison. Il nous faut garder cette ouverture si nécessaire au témoignage chrétien dans une société pluraliste.

Bien à sa place au centre du portail d’entrée, saint Nicolas exprime la bienvenue la plus large aux croyants certes, pour des liturgies festives, mais aussi à tant d’autres qui viennent ici pour prier un moment dans le silence, trouver un peu de repos dans un havre de fraicheur et de paix ou tout simplement admirer des beautés nouvelles ou anciennes au hasard d’une visite touristique. A nous de leur manifester le sourire plein de bonté de notre saint patron.



Fribourg construit un nouveau pont. Il ne faudrait pas qu’il devienne le pont de la discorde, lui qui est censé nous aider à franchir des obstacles pour favoriser les communications et inciter à la communion humaine.

Le pont de la Poya, c’est bien. Le pont de saint Nicolas, c’est encore mieux.

Amen.



Claude Ducarroz