lundi 27 avril 2015

Bénir des motos? Cf. La Liberté 28 avril 2015 p. 9.

Notre-Dame des Centaures

« Bénir des motos ? C’est quoi, cette religion ? »

Je devine la réaction étonnée, voire scandalisée, de certains citoyens peu sensibles aux cérémonies catholiques comportant une bénédiction de choses.

Encore faut-il expliquer le sens de ce qui se passe.

Le premier devoir du chrétien, c’est de bénir Dieu pour ce qu’il est et ce qu’il fait. Tant de textes bibliques expriment ainsi le merci des croyants émerveillés par leur Dieu infiniment bon. Nous ne pouvons que le bénir pour tous ses bienfaits, au ciel et sur la terre. Oui, que Dieu soit béni, maintenant et toujours !

Parmi les bienfaits de Dieu, il y a justement sa bénédiction dispensée sur notre monde et tous ses habitants. Comme on le voit dans le récit de la création, Dieu bénit ses œuvres, et surtout  les êtres humains créés à son image. Bénir, c’est dire du bien. Et quand Dieu dit, il le fait. Nous pouvons par conséquent demander au Seigneur de bénir largement toute l’humanité, à commencer par les personnes qui nous sont les plus proches en leur souhaitant l’amour et la paix de Dieu comme cadeaux pour leur bonheur. Sans oublier de le prier de bénir aussi celles et ceux que nous avons de la peine à aimer, peut-être parce qu’ils sont moins aimables !

Et les choses, me direz-vous ? Bénir  Dieu pour les beautés de la nature et le prier de continuer à lui accorder splendeur, grandeur et utilité. Et surtout bénir Dieu pour la culture, à savoir tout ce que les hommes ont découvert, inventé et construit avec leur intelligence, leurs compétences et leur foi. Car toutes choses, finalement, rendent hommage au Créateur de l’univers. Pensons aux arts, aux sciences et aux techniques qui améliorent sans cesse nos conditions de vie sur cette terre. Pensons surtout à tous les élans de charité et de justice qui, peu à peu, rendent notre humanité plus solidaire.

Car tout amour vient de l’Amour et y retourne. Bénir les choses, c’est les accueillir comme des cadeaux et les faire servir à la fraternité. Qu’avons-nous que nous ayons reçu !

La bénédiction n’est pas un talisman ni un porte-bonheur magique ou automatique. Elle exprime surtout notre merci à Dieu pour toutes les bonnes choses qu’il ne cesse de nous offrir en nous les confiant.
Et pourquoi pas des motos, ces instruments extraordinaires remis entre nos mains et surtout livrés à notre responsabilité ?        


                                                           Claude Ducarroz                                                                 

dimanche 26 avril 2015

La pastorale: c'est quoi?

Commentaire Jn 10,11-18

Qu’est-ce que la pastorale ?

Depuis le concile Vatican II, dans notre Eglise tout doit être PASTORAL. Ce mot presque magique est devenu un label de qualité pour qui veut se recommander à la bienveillance de partenaires chrétiens. Il y va de la crédibilité évangélique des initiatives et réalisations les plus diverses.

On peut comprendre cet engouement. Dans l’Ancien Testament, l’image du berger a été attribuée à Dieu lui-même (Ps 23), au futur Messie (Ps 78) ainsi qu’aux chefs du peuple élu (Jr 23). Pas étonnant que Jésus –qui concentre en lui toutes ces prérogatives- se soit senti à l’aise dans l’évocation du berger pour signifier son identité et sa mission propres, ainsi qu’on le voit au chapitre 10 de l’évangile de Jean.

Jésus, le bon pasteur ! Qu’est-ce à dire ? Rien à voir avec un pastorat romantique qui illustrerait un Jésus écolo flânant entre sources vives et verts pâturages. Etre le bon pasteur selon Dieu, c’est un rude métier. Car l’amour vrai emporte tout, et d’abord la vie de celui qui aime. Il s’agit de s’en dessaisir en la donnant librement pour ses brebis. Le contexte n’est pas de tout repos puisqu’il peut y avoir des loups en embuscade. Pas question de fuir ! Il faut veiller et tenir bon. Comme Jésus l’a fait : jusqu’à la croix.
Cette fidélité puise sa motivation dans l’envoi en mission par le Père, mais aussi dans la connaissance réciproque entre les brebis et le pasteur. Pas une connaissance de statistique qui se contenterait de compter les brebis au soir de la journée, mais la relation pleine d’amour entre le berger et chacune de ses ouailles, connue et appelée par son nom. Et puis le cœur de ce berger-là est si large qu’il y a en lui des espaces en réserve pour d’autres brebis qui ne sont pas encore dans le bercail. Il ira les chercher, et d’abord celles qui seraient perdues ou en danger. Nulle limite à l’amour pastoral de Jésus !

A méditer l’évangile de ce dimanche, comment ne pas sentir monter en soi des sentiments d’admiration et de reconnaissance pour notre pasteur Jésus Christ ? Mais aussi, comment ne pas trembler devant tout ce que nous estimons « pastoral » dans la vie de l’Eglise, s’il s’agit bel et bien de l’être « à la manière de Jésus » ? A commencer par toutes les personnes qui se nomment ou que l’on nomme « pasteurs ». Ne devrions-nous pas radiographier de temps en temps, en relisant cet évangile, les initiatives et même les documents dits « pastoraux » qui constituent souvent l’essentiel de nos réunions ?

Pas pour avoir mauvaise conscience, mais pour nous ajuster toujours mieux à la pastorale de Jésus, la seule qui peut marier le bonheur des brebis avec la joie des pasteurs.
Pasteurs qui sont d’abord et restent, eux aussi, les brebis du Seigneur !

                                               Claude Ducarroz


Disponible sur le site  cath.ch

samedi 11 avril 2015

Homélie du dimanche 12 avril 2015
RTS

Fribourg. Sa cathédrale St-Nicolas. Le porche d’entrée est dominé par une vaste scène sculptée représentant le Christ sur son trône royal. On pourrait l’appeler « le tympan à saint Thomas ». En effet, ce Christ, tout ressuscité qu’il est, exhibe ostensiblement les traces de ses plaies dans ses mains et ses pieds. Plus original encore, il a gardé la couronne d’épines sur sa tête pourtant auréolée des rayons de la gloire pascale. Presque mot à mot l’évangile de ce dimanche.

Et aussi l’actualité de cette semaine.

Croyants de cette unité pastorale ici réunis, auditeurs de la RTS, d’une manière ou d’une autre, nous revenons tous des fêtes de Pâques. Beaucoup ont accueilli le Christ dans la renaissance de la foi et dans la prière, d’autres ont plus de peine à le reconnaître vivant et certains resteront peut-être des Thomas un peu bloqués dans leur scepticisme. Pas vu, pas cru ! Tous ont droit au même respect.

Les chrétiens qu’on appelle « pratiquants » sont encore enveloppés des humeurs de l’encens ou des rumeurs des alleluias chantés avec allégresse dans les célébrations liturgiques. Puisque le Christ est vraiment ressuscité, alleluia ! nous sommes ressuscités avec lui, comme osait le proclamer l’apôtre Paul, et notre vie est cachée avec le Christ en Dieu. »
Tout va pour le mieux, en somme.

Et voici cette semaine passée : Syrie, Irak, Nigeria, Garissa au Kenia, et tant d’autres couronnes d’épines sur la tête d’une humanité qui semble préférer la mort à la vie. Où est Pâques dans ce contexte ? Où est le ressuscité ? « Il était là au milieu d’eux et il leur dit : « La paix soit avec vous. » Après ces paroles, il leur montra ses mains et son côté.  Et les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur.» Vraiment ?

Les chrétiens morts par fidélité à leur foi, ce sont d’abord eux qui nous montrent aujourd’hui le Christ ressuscité, avec les stigmates de leur crucifixion. Ils attestent que la vie du Christ en eux est plus forte que leur mort sous les coups des nouveaux barbares.
A nous, ces frères et sœurs aînés dans le mystère pascal nous redisent aujourd’hui, sur une partition écrite en lettres de sang : « Cesse d’être incrédule. Sois croyant. » Et Thomas répondit : « Mon Seigneur et mon Dieu. » La foi victorieuse !

Pâques ! Il est un cadeau que personne ne pourra jamais nous enlever, ni d’ailleurs à toute l’humanité, y compris à celles et ceux qui l’ignorent ou le nient : Jésus de Nazareth, le crucifié ressuscité. Jamais Dieu ne reprendra ce cadeau-là, car une fois ressuscité des morts, le Christ ne meurt plus, jamais. Et avec ce divin cadeau, cette promesse en forme de béatitude, autrement dit une assurance de bonheur : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »

Ceux qui croient : des heureux, dit Jésus. Où ? Dans le Royaume de Dieu, oui, bien sûr. Mais aussi dès ici-bas, lorsqu’ils deviennent des faiseurs d’heureux, quand ils sentent bon le Christ pascal au cœur du monde.
Savez-vous la bonne nouvelle ? La résurrection avance peu à peu, pas à pas sur notre terre quand nous marchons avec Jésus, le Fils de Dieu et notre frère.

* Donner la vie après l’avoir respectée, y compris dans ses commencements les plus fragiles, c’est toujours un accouchement pascal. Chers parents, vous mettez au monde un promis ou une promise à la vie éternelle, une étoile de plus au firmament du Royaume de Dieu.

* Pardonner, faire œuvre de miséricorde au lieu de choisir la vengeance ou l’indifférence : c’est passer de la mort à la vie parce qu’on sème de l’amour au printemps d’une nouvelle relation, dans le couple, en famille, dans le voisinage, ailleurs encore.

* Diffuser de la beauté, surtout quand elle donne la main à la bonté, c’est allumer un feu de Pâques, par exemple aux couleurs de la poésie, de la musique et du chant, comme on aime le faire dans ce pays qui nous accueille aujourd’hui.

* Chercher la trace des crucifiés actuels, souvent cachés dans nos sociétés d’insolente consommation, pour les consoler, les accueillir, les embrasser et leur laver les pieds comme Jésus l’a fait: c’est un peu de soleil pascal dans la nuit des oubliés et des exclus.

* Et lutter, avec des oui et avec des non, pour rendre plus humaine notre incontournable convivance ici-bas, en citoyens universels –« un seul cœur, une seule âme »- et non pas en enfants gâtés d’une helvétique prospérité : c’est revenir concrètement sous le proche de St-Nicolas où le Christ ressuscité redit sans cesse, du haut de sa croix, du cœur de sa gloire, à nous les Thomas d’aujourd’hui : « Tout ce que vous faites à l’un de ces petits qui sont les miens, c’est à moi que vous le faites. » 

Oui, sur la terre comme au ciel.


                                                           Claude Ducarroz