jeudi 13 avril 2017

C'est Vendredi Saint !

Vendredi Saint

Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé.

Car le crucifié a été transpercé. Il nous faut oser lever les yeux vers lui. Et si ça peut renforcer cette dramatique audace, nous pouvons contempler le grand calvaire placé au dessus de la grille du chœur en 1430. Il faut le regarder, ce crucifié, qui nous regarde. Il nous faut fixer ce regard dans lequel se marie en une alliance nouvelle et éternelle la miséricorde de Dieu et la misère de l’homme, la nôtre.
Voyez comme Dieu nous voit désormais, dans le regard de Jésus, plein de larmes et de sang. Les larmes du Père, vers les enfants prodigues que nous sommes tous ; le sang du Fils de Dieu pour nous purifier de tout péché ; l’eau du baptême et le sang de l’eucharistie. Ils coulent encore du côté ouvert, qui ne se refermera jamais, car on ne peut arrêter le cours d’un fleuve de tendresse quand il est divinement humain et humainement divin.
Désormais, c’est toujours à cœur ouvert –ce cœur-là ouvert sur cette croix-là- que se vivront les rendez-vous d’amour et de pardon entre Dieu et nous.
Tu veux comprendre un peu ce mystère, celui de Dieu et le tien, l’océan divin et les abîmes de ta soif ? « Avance ta main, homme de peu de foi, mets-la dans mon côté. Cesse d’être incrédule. Sois croyant ». Crois enfin que Dieu est Amour. Tu tiens la preuve : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime… Il nous aima jusqu’au bout ».
Regarde encore: jusque là. Quand vas-tu enfin te laisser aimer par l’Amour : celui-là ?

Et maintenant levons aussi les yeux vers celles et ceux que nous transperçons, aujourd’hui encore. Car la croix circule un peu partout dans notre monde, avec le même crucifié et beaucoup d’autres avec lui, sur cette même croix. Nous avons multiplié les crucifiés, et quelque part, hélas ! c’est tous les jours vendredi saint.
Nous ne pouvons pas l’ignorer, surtout aujourd’hui. Il nous reste quelques larmes pour crier et prier, il nous reste un peu de sang pour offrir et compatir. Nous avons encore un cœur, du cœur, pour aider, accueillir, soutenir et peut-être même porter, au moins un bout, la croix de quelqu’un, sur son chemin.

Rien ne nous empêche, au contraire tout nous invite et nous pousse, à être, si peu que ce soit, des Symon de Cyrène qui soulagent, des Marie de Nazareth, des disciples bien-aimés, des femmes qui pleurent au plus près de la croix, des centurions qui croient malgré tout, des Joseph et des Nicodème, avec des onguents d’amour auprès de tant de tombeaux. Tous les personnages silencieux de notre chapelle du Saint Sépulcre.

Que pouvons-nous faire devant les drames et les violences de notre temps, sinon aimer davantage, prier davantage, crier davantage, agir davantage, pour les innocentes victimes de Syrie et d’Egypte –ces pays tellement bibliques-, et pour les affamés du Soudan et d’ailleurs, tous ces nouveaux crucifiés qui nous regardent, eux aussi, parfois avec leurs yeux définitivement clos, sur les écrans de nos médias. Comme Jésus sur sa croix à la neuvième heure.

« Voici l’homme », disait Pilate. Et la réponse de Jésus est toujours la même : « Tout ce que vous faites à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous le faites ».Oui,  on peut encore leur faire du bien. Ils sont aussi nos frères à nous, quels qu’ils soient, d’où qu’ils viennent. Aimons-les, au moins un peu, comme Jésus.

Levons les yeux, encore une fois, vers celui que nous avions transpercé. Et regardons de plus près, par les yeux de la foi, des yeux lavés dans la lumière de Pâques. Car par son côté ouvert, par ses plaies encore béantes, c’est toute la puissance d’amour de son Père et notre Père qui transparaît et rayonne, c’est la vie du Royaume, plus forte que la mort, qui l’emporte enfin, ce sont les énergies de l’Esprit qui soulèvent notre humanité et dynamisent l’Eglise. Car « inclinant la tête, Jésus remit l’Esprit. » A Dieu son Père, mais pour nous ses frères et sœurs.
Aux yeux superficiels de nos médias, le décor semble toujours le même, plus près du vendredi saint que du matin de Pâques. Et pourtant il y eut bel et bien ce matin-là, qui fit triompher la vie jusqu’à la rendre éternelle, qui jeta l’amour qu’est Dieu dans la balance de notre destinée, qui nous permet l’audace de l’espérance même au milieu de nos douleurs, de nos combats, de nos échecs. Même au pied de nos croix, buvons à la source vive, mangeons le pain eucharistique, respirons de l’Esprit-Saint.

O crux ave, spes unica. Salut, ò croix, notre unique espérance.





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire